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Accéder au sitePublié le 22/03/2024
Champs d’expansion des crues et bassins versants.
Voilà plusieurs années que je prêche …dans le désert, pour un plus grand respect des champs d’expansions des crues de nos rivières et ravines réunionnaises. Je dis bien dans le désert, parce qu’aucun de ces champs, plutôt rares à La Réunion, n’a été respecté.
Les constructions vont bon train ou plutôt, sont allées bon train dans les lits majeurs voir mineurs dans certains cas. Les résultats de cet aveuglement environnemental ne s’est pas fait attendre : maisons emportées par de grosses crues (se souvenir de celles de la Rivière des Pluies ), argent public déployé en dizaine de millions d’euros pour la construction de digues de protection, poursuite de l’artificialisation des sols, permis de construire accordés dans des zones dangereuses, bref une politique d’irresponsabilité qui n’a jamais été sanctionnée à quelques exceptions près ces derniers mois par la destruction de maisons illégales (elles n’étaient d’ailleurs pas dans ces fameux champs d’expansion).
Or nous commençons à nous rendre compte que ces champs sont un des moyens naturels de réduire sinon d’éviter des crues dommageables pour nos citoyens, mais aussi d’alimenter les nappes phréatiques et de réduire le biseau salin prés de nos côtes. Une série d’avantages dont nous prenons conscience sans doute un peu tardivement. Les évènements tragiques du Nord et Est de l’Hexagone et ceux dans le département du Gard récemment montrent à quel point nous devons réexaminer et « renaturer » notre vision de ces objectifs primordiaux.
L’application de la GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) est un des outils pour réfléchir tous ensemble à des solutions naturelles, efficientes où l’équilibre entre sécurité et protection des milieux aquatiques serait le fil rouge. Solution qui devrait remplacer le bétonnage tous azimuts, solution de facilité dans la démonstration politique du « je fais quelque chose pour la sécurité de mes électeurs ». Bien entendu, et dans certain cas on ne pourra pas éviter ce bétonnage (endiguement de la Rivière des Remparts à Saint-Joseph). Mais cette solution doit rester mineure voir exceptionnelle avec l’appui du génie végétal à développer et à accompagner sur notre île.
Il en va de ces champs d’expansion des crues comme des bassins versants dont on ignore jusqu’à présent la bonne santé, la vitalité écologique. Or, il s’agit là d’un élément essentiel de protection en amont de la ressource en eau et du littoral marin (protection du massif corallien) qui en est le réceptacle. J’ai fait, plusieurs fois la proposition de prendre un exemple de bassin (celui de la Rivière du Mât) et d’examiner dans le détail les pressions anthropiques dont il était l’objet, et de voir au plus près du territoire, avec tous les acteurs concernés, quelles étaient les solutions pour réduire ces pressions. Bien entendu je n’ai jamais eu de retour significatif. Il faut dire que le bassin versant de la Rivière du Mât, qui concerne la quasi-totalité du cirque de Salazie est un sujet quelque peu sensible lié à l’agriculture (élevage, maraîchage, arboriculture) et il convient d’y ajouter le scandale de l’usine de traitement des lisiers de Camp Pierrot toujours devant la justice. Mon exemple était donc mal choisi et ne pouvait que m’attirer les foudres des grands penseurs et protecteurs de l’agriculture réunionnaise !
Je reste cependant persuadé que l’on peut nourrir une population d’une manière un peu plus vertueuse tout en sauvegardant le bon état de la terre et de l’eau. J’ai fait récemment une expérience, toute simple : j’ai soulevé un peu de terre dans plusieurs champs de canne à sucre, pas un seul ver de terre ! J’ai effectué la même chose dans les hauts (850 m) sur un bout de terrain vierge de toute culture intensive, surprise, des dizaines de vers de terre sur un mètre carré. Je laisse à chacun le soin de commenter.
On m’a souvent reproché à ce sujet de refaire l’histoire de La Réunion, certes il ne s’agit pas de refaire l’histoire, mais au moins d’en tirer les leçons. La cécité environnementale voulue ou feinte est un mal endémique qui n’est pas l’apanage de La Réunion… Dans l’hexagone c’est devenu la règle et les lobbys extrêmement puissants de l’agro-industrie en sont à l’origine. Si l’agriculture nourrit nos citoyens elle ne doit pas pour autant les empoisonner par des quantités de plus en plus importantes de molécules toxiques présentes dans nos sols et nos cours d’eau. Oui, nous n’avons pas, encore, dépassé les seuils autorisés ! Nous attendons quoi, de les dépasser ? Ou bien allons-nous les reculer ? Et je ne parle pas des pollutions « invisibles », ubiquistes, du plastique, de la pollution de l’air.
Nos architectes, nos ingénieurs, nos paysagistes, nos chercheurs, nos paysans et nos responsables de l’agriculture réunionnaise sans oublier les services de l’Etat et le tissu associatif (souvent marginalisé, voir oublié), bref tout ceux qui ont les capacités professionnelles et opérationnelles doivent unir leurs efforts pour repenser l’urbanisation, la ruralité et l’agriculture. Le défi est important, difficile à relever tant nos mauvaises habitudes sont ancrées dans nos têtes et la pression de la rentabilité financière des investisseurs concernées est puissante. Nous sommes engoncés dans notre petit et misérabiliste confort quotidien entretenu par un mercantilisme infantilisant, un cercle vicieux dont on a du mal à sortir.
L’évolution du climat est enclenchée, la nature que nous avons malmenée ne nous laissera plus aucun répit. Le récent cyclone Belal s’il est dans la normalité devrait quand même nous interpeller : la saison cyclonique n’est pas terminée… !
Ceux pour qui l’argent facile et abondant est le seul objectif, parce que le nœud du problème est là, devrait méditer sur ce proverbe indien : « Quand le dernier arbre aura été abattu, quand la dernière rivière aura été empoisonnée, quand le dernier poisson aura été péché, alors on saura que l’argent ne se mange pas. »
Prenons soins de notre terre nourricière et de l’eau douce indispensable à notre vie.
Jean Paul MAUGARD,
Président de la Fédération Départementale
de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique de La Réunion