L'eau est un élément majeur dont nous n'avons pas suffisamment pris toute la mesure. Habitués à un confort « hydrique » que nous trouvons somme toute normal, l'éventualité d’une remise en cause de ce confort aurait des conséquences sociales et économiques dramatiques . La période de sécheresse que nous traversons devrait nous interpeller dans notre manière de concevoir l'avenir. Les perspectives de l'évolution du climat avec les risques induits de périodes sèches plus intenses et répétitives doivent guider nos décisions. Les guerres de l ‘eau ont existé et existent toujours au niveau mondial, mais ces confrontations peuvent exister au niveau local et individuel dans une société sous tension telle que nous la vivons aujourd’hui : mais la mémoire des hommes est fragile, elle s’estompe rapidement dans la quiétude d’un confort illusoire, par l'égoïsme de l'être humain et par la cupidité qui régit actuellement toutes nos sociétés.

Voilà plusieurs années que je demande, en tant que membre du CEB (à l'époque Comité de Bassin) que soit mis en œuvre la prospection de nouvelles ressources et je ne suis pas le seul. Je fais référence aux propos tenus par monsieur Jean-Lambert JOIN chercheur à l'Université de La Réunion, sur les galeries drainantes d’altitude. Galeries qui par gravitation permettrait une économie substantielle d’énergie et une récupération d’eau de qualité. Mais pas que, j’ai aussi demandé la mise en place d’un plan décennal de retenues collinaires permettant de stocker les eaux de pluie et de ruissellement au profit des agriculteurs en permettant ainsi de diminuer les prélèvements superficiels. Des possibilités de petits barrages dans certains talweg pourraient compléter les décisions importantes prises par le Département en matière d’ouvrages structurants dans ce domaine de l ‘eau . En fait la manne qui nous tombe du ciel (nous avons à La Réunion des records mondiaux de pluviométrie) serait mieux utilisée sachant que la perméabilité du sol réunionnais en réduit considérablement l'exploitation.

La récupération d’eau de pluie individuelle devrait faire l'objet d’incitations financières et fiscales en modifiant autant que faire se peut sa règlementation, de même que pour les rejets des stations d’épurations .

La sensibilisation du grand public à une utilisation plus raisonnable de l'eau devrait être permanente avec un relai au niveau scolaire pour les plus jeunes.

Je trace ici les grandes lignes, celles qui me paraissent indispensables pour économiser cette ressource qui pourrait devenir rare à plus longue échéance. Gérer c’est anticiper, chacun d’entre nous doit prendre dès à présent ses responsabilités. Faisons preuve d’un peu de bon sen … paysan, ayons les pieds sur terre, sur une terre un peu plus respectée qu’elle ne l'est actuellement .

J'entends déjà les critiques à mes propositions ! Où allons nous trouver l'argent dans cette période d’incertitude politique ? Et bien je répond simplement que nous devons bouleverser la hiérarchie de nos priorités. Les choix seront sans aucun doute difficiles mais nécessaires. Certains projets qui ne sont pas primordiaux pour la vie de nos citoyens devront être remis à plus tard et leurs financements réorientés. Ainsi certains « téléfériques » pourraient attendre, des parc d’attractions gigantesques et superflus peuvent attendre, de même il conviendrait de modérer la multiplication des ronds points, le code de la route en matière de sécurité prévoit des stops et des balises. La fluidification de la circulation doit passer par la mise en œuvre d’un transport en commun digne de ce nom (tram train… !). Et je ne parle même pas de l ‘éclairage public de certaines zones (détournement de la Saline-Les-Bains) dont on aurait pu faire l'économie… la sécurité des citoyens passe par d’autres chemins que celui de l'éclairage public ! Il passe notamment par celui de l'éducation de nos enfants dans le respect de certaines valeurs totalement abandonnées par les familles. Un changement de mentalité et de comportements déviants (réseaux sociaux et téléphones portables sont les deux mamelles de l'abrutissement de beaucoup de nos jeunes (les adultes aussi), pas tous fort heureusement, mais les plus fragiles certainement). La n'est pas le sujet, mais tout est relié dans une société en perte de repères et de valeurs humanistes. Revenons à nos moutons H2O .

Notre terre s’appelle aussi la « planète bleue » . Quelques chiffres qui devraient aussi nous faire réfléchir et que nous avons une fâcheuse tendance à oublier facilement.

La terre est recouverte d’eau à 71% soit plus des 2/3 de sa surface. Elle est contenue à 96,5% dans les océans. De toute cette eau seulement 1% concerne l'eau douce accessible à l'humanité. Ce pourcentage montre à quel point il s’avère nécessaire d’en prendre soin. Le corps humain contient 60% d’eau et notre cerveau 90%. H2O, un élément vital pour la vie.

La Fédération de Pêche de La Réunion et les pêcheurs (masculin, féminin) en sont conscients. Ils sont les gardiens vigilants de cette ressource. Ils en ont la conscience éveillée depuis longtemps. Ils n ‘ont pas attendu pour défendre ces milieux aquatiques indispensables à tous les équilibres, que se développe le mouvement écologique actuel. Dans ces pêcheurs nous trouvons des paysans qui savent ce que travailler la terre veut dire notamment quand elle est assoiffée, nous y trouvons aussi toutes les strates de la société, de l'intellectuel à l'ouvrier, du médecin au fonctionnaire et je n’oublie pas les retraités. Les Pêcheurs fédèrent les différentes composantes de notre société dans une défense raisonnée et constante de nos milieux naturels.

Et cet acte remarquable se fait dans le bénévolat, une valeur noble, loin de la cupidité générale qui gère le monde.

« L'eau seule est éternelle. » De Yun Seondo

Jean Paul MAUGARD,
Président de la Fédération Départementale
de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique de La Réunion